Blanche en-dedans : accepter ses identités sans se regarder grandir

cw : racisme et queerphobie intériorisés + mention de violence

1. Pendant la majorité de mon enfance et de mon adolescence, j’ai refusé de me regarder dans le miroir. Évidemment, je ne pouvais pas m’empêcher totalement de catch a glimpse de mon visage lorsque je devais péter des boutons ou laver le chocolat autour de ma bouche, mais je sais que je ne me regardais pas dans les yeux.
Je n’osais pas.

Je me souviens encore du moment où j’ai pris la décision de ne plus croiser mon regard. J’avais quatre ou cinq ans et je me brossais les dents dans la salle de bain, tête baissée. En relevant la tête, j’ai fait le saut; je n’étais pas blanche! Mon apparence ne fittait pas avec celle que j’avais de moi-même dans ma tête. Terrorisée par cette expérience out-of-bodyish, j’ai décidé de ne plus la recommencer. Comme la plupart des personnes ayant toujours vécue en so-called Amérique du Nord, mon monde était composé de visages blancs signifiant « bons », « généreux », « sauveurs ». Et pour moi, c’était encore plus personnel. Blanc voulait dire « papa, maman », « grands-parents », « cousin.e.s », « heureux.se.s ». « Riches ». « The good side, the side you should always take ». Ne pas posséder les traits liés à ce groupe de personnes a été choquant, heartbreaking pour moi. Être enfant et ne plus vouloir de mon visage, quel épouvantable vœu. Si je ne pouvais pas avoir les yeux verts et les cheveux bruns que j’enviais tant, autant ne plus rien avoir du tout. J’étais trop foncée pour cette vie. Je ne riais même pas jaune parce que je ne riais pas, jamais.

Alors je ne me suis plus regardé dans le miroir. C’était trop dur pour mon petit cœur sensible et j’étais déjà assez triste. Je ne me suis pas vue grandir, littéralement.
Ça a duré jusqu’à mes 14 ans, pendant cette longue et douloureuse année où j’ai dû faire mon coming out à moi-même. Secondaire 3. L’année sans répit.

Flash-back : Mercredi 19 janvier 2011 (j’ai tenu plusieurs journaux dans mon adolescence, quel blessing pour la nostalgique en moi!). Un autre soir dans ma maison, la seule personne encore réveillée vers onze heures ou minuit (pour moi dans ce temps-là, c’était tard (je devais quand même me lever à six heures du matin), incapable de dormir. Les ronflements de mes parents de nouveau la trame de fond de mon insomnie anxieuse. Je devais avoir prié à Dieu de ne pas me faire gay ou quelque chose d’également triste pour être encore réveillée. Je suis allée dans cette même salle de bain, avec toutes ces pensées confuses comme seules compagnes et j’ai décidé de me regarder dans les yeux pour la première fois depuis des années. Un long regard perçant, sans cligner des yeux ou me détourner de leurs formes bridées, MES yeux bridés, MES cheveux noirs, MA peau jaune. C’était à moi, à moi seule. Ma queerness aussi était à moi, mais je ne le savais pas encore. Je me suis demandé à voix haute : « Qui es-tu? » et la vérité m’a répondu : « Tu es toi. Et tu ne ressembleras jamais à personne d’autre qu’à toi-même. Tu sauras un jour que tu n’as pas besoin d’être blanche pour être heureuse, ou avoir des ami.e.s. Tu n’auras jamais les yeux verts, ou bleus ou même bruns pâles, mais tu pourras voir le monde avec tes yeux à toi, tes yeux uniques de survivante, de personne racisée, mais blanche à l’intérieur, de personne queer en grande partie cisgenre, de survivante, de SURVIVANTE de ton père et de ses violences. 14 ans sans répit, mais tu peux te donner une pause, maintenant. Accorde-toi une pause. S’il te plaît. »

J’ai fermé les yeux, j’ai pissé, et je suis allée me coucher.
Bonne nuit.

2. Encore aujourd’hui, je ne sais pas encore si j’aime mon visage ou pas. Il y a une raison à mon choix de photo de profil, ma première depuis plus d’un an : moi, tête baissée, n’osant pas regarder en face. C’est parce que c’est dur pour moi de me trouver attirante, ou hot, ou belle et de croire les personnes qui pensent que je le suis. Il y a très peu de photos de moi depuis que j’ai fait mon coming out. Peut-être parce que je suis devenue encore plus invisible qu’avant, que j’ai perdu encore plus de privilèges (même si je reconnais les multiples privilèges que je possède encore et que j’aurai toujours). C’est une image intéressante : avant de faire mon coming out, on me prenait très souvent en photo, alors que je ne voulais pas me voir et maintenant, ouvertement queer, le nombre de clichés faits de moi se comptent sur les doigts de la main, et mon visage me manque un peu. Je ne sais plus à quoi je ressemble. Peut-être que c’est ça, être une asiatique adoptée et queer : vivre sur une fine balance entre être là et ne plus l’être, entre avoir une maison et l’abandonner/la perdre d’un coup, exister sans certitude d’un lendemain, restant seulement on the edge of everything. Mid-air. Awake at midnight, waiting.

Y.

Blanche en-dedans : accepter ses identités sans se regarder grandir

That post coming-out wave.

i feel a new wave taking over.

A new start. a new beginning. but it has always been there somewhere.

but now, i am finally rediscovering my body. rediscovering my sexuality. different bodies, out of the binary. out of the expectations.

my body against theirs. thing finally shifting away from the male gaze that has always seemed to linger for as long as i remember.

some might try to put us in a box. ask who does what, and who has what under their awesome pant/skirt combo.

and i do get bothered, but i can just think of that happy place that makes me smile, where most of my insecurities just seem to disappear, even just for a short period of time.

where i can feel the warmth and the wave just taking over my whole body.

for the first time in years, i stop overanalyzing and just do what makes us feel good.

I stop stressing about my stomach, my breasts, my legs, my hair all over my body, all the stretch marks, and any other little imperfection,

because for the first time in years i can feel that i am not trying to convince myself that i like the people i sleep with. that i try to convince myself that hetero sex is the only thing that is okay.

I like my queer sex. I like my consentual sex. I like that i can communicate about sex. I like my orgasms that i finally have.

I love that wave that takes over and that feels good.

-RSG

That post coming-out wave.

“notre belle fille qui a 25 ans” : épisode d’un post-coming-out raté

*CW : moments de misgendering (mégenrement…?)

Descendu chez mes parents pour la fin de semaine, j’ai encore mon manteau sur le dos, j’ai juste eu le temps d’enlever mes bottes et d’aller me chercher un verre d’eau (j’avais mangé une poutine pis j’avais juste la yeule trop seche après 2 heures de route); j’avais même pas encore donné un bec de allo à mon père que je suis témoin que dans sa tête, je suis encore sa fille, que rien n’a changé depuis mon “coming out” d’il y a deux semaines.

“bin oui notre belle fille qui a 25 ans”, une phrase assez banale venant d’un père qui voit son enfant grandir. Bin oui j’ai 25 ans, il fallait le dire à la visite, c’est du small talk, ça fit bin. mais dans ma tête, rien n’était banal. dans ma tête, je ne comprenais pas. mind-fuck. J’ai rien dis. je me suis dit… peut-être qu’il a juste oublié, c’est une habitude, ça fait 25 ans qu’il m’appele ma fille, c’est pas facile changer ça du jour au lendemain t’sais… T’SAIS?

Je m’assois sur le couch. j’avais mis ma jupe que j’aime parce que je me suis dit que maintenant que j’avais expliqué c’était quoi la non-binarité et les expériences de personnes queer et tout ça à mes parents, qu’illes avaient compris que jupe n’égalait pas automatiquement madame, qu’un penis n’égalait pas automatiquement monsieur, que je n’avais pas  “quand même un corps de fille” etc. je m’empêchais auparavant de fucker avec le genre devant mes parents parce que leurs commentaires me mettaient mal à l’aise. cette fois : j’avais osé.

ma mère sort de son bureau, vient me dire allo, s’assois à côté de moi : “wow belle jupe! so woman”.

ok.

hmm… elle a surement oublié aussi i guess?

Peut-être que c’est moi qui n’ai pas été assez clair la dernière fois? J’essaie de me rappeler. Il me semble que quand j’ai dit : je n’aime pas ça me faire appeler FILLE ou FEMME ou MADAME, qu’illes m’ont demandé comment je voulais me faire appeler et que j’ai dit mon enfant, que c’était un échange d’informations assez clair… non?

Aucun des deux n’ont fait allusion à la discussion qu’on avait eu deux semaines passées. Pour moi ça avait été un moment important, THE moment où je m’ouvrais ENFIN à mes parents, où j’allais ENFIN essayer de leur dire, de leur montrer qui je suis dans ma complexité, pour ENFIN me sentir bien à nouveau dans ma famille que j’adore. Je me sentais naif d’avoir cru tout ça.

Je n’ai rien dit non plus. ni les autres fois qu’illes m’ont mégenré pendant toute la fin de semaine. je n’ai rien dit, je ne leur ai pas rappelé. comme si rien ne s’était passé, comme si moi aussi j’avais oublié que deux semaines passées, je m’étais ouvert à elleux comme jamais je ne l’avais fait avant; que je leur avait fait confiance de comprendre, de m’accepter comme je suis et de m’aimer inconditionnellement; que ça m’avait pris des semaines me préparer mentalement à cette discussion, m’imaginer dans ma tête milles manières de me dévoiler; que ça m’avait angoissé et stressé de me rendre vulnérable devant elleux.

Je sais que je vais trouver la force de me rasseoir avec mes parents et trouver d’autres mots pour qu’illes me comprennent et changent leur manière de me définir. Mais pas maintenant. Aujourd’hui je me sens invisible. Me rappeler des ami.e.s trans et queer autour de moi qui vivent aussi les oppressions du cissexisme/heterosexisme et la transphobie/queerphobie/femmephobie et qui continuent à fighter le cis-tem et à exprimer leur magnifique true-self me fait sentir mieux et me donnent du courage.

❤ WE’RE HERE / WE’RE QUEER / WE RIOT  ❤

loubird

#transisbeautiful #kissmytransass  #lezboi

“notre belle fille qui a 25 ans” : épisode d’un post-coming-out raté

On “tomboys” or just a 5 am rant

I guess I’ve always known “tomboy” was a slur because I’ve been called it too many times when I was a kid (and its much-worse French version). Being called a tomboy, although affectionately, made me feel as if I was incomplete, even though I actually was a boy sometimes. And when I wasn’t, it made me feel as if I couldn’t present myself in a masculine way without being associated with “boyness”. I couldn’t be a girl or agender without being referred to as “somewhat of a boy”. The term is a constant state of misgendering to me.
I had no way to explain this as a kid, that I was unable to take control of my own masculinity, and I knew what I was supposed to be, so a “garçon manqué” was an acceptable way to describe myself. I even thought it was cool, because I felt it was better to do boy stuff and look like one. (How’s that for internalized misogyny?) I hadn’t realized until the other day how small words like this one could cause long-term damage.
Plus, being a “tomboy” is often considered childish; it’s a game, a phase most little girls go through before they internalize gender roles and stereotypes. Or maybe they want to be boys because they already understand that their boy comrades are treated better than they are. Either way, what happens when it’s not a “phase”, when you still present yourself in a masculine way long after your girl friends have become girly-girls?
So when I started high school I looked pretty weird, and I felt it. I pushed my presentation to the other extreme, the femme one, and I didn’t really like it. But I went along with it because there was no other way, to me, at this time, to be read as what I was supposed to be; a girl. And I did want to be read as female, because it was what was good and normal and would get me friends.
I know I sometimes say I look like a kid and am trying to act like an adult, but I do because “kid” is a gender neutral term; plus it’s the only way I can pass as something else than an adult woman. But that doesn’t mean I want to be identified using a word that describes what very young children experience sometimes, and is in itself problematic.
Please don’t call your feminine children or even friends a “tomboy”, just because they don’t meet the established gender norms in the way they’re presenting. Except if they identify with the term and ask you to use it, of course.
-VFK

On “tomboys” or just a 5 am rant

WHAT DA FUCK Lezboï

English version:
It all started with two antifa skingirls tagging antifa and feminists stuff in a park in hochelaga. Both questionning their sexualities and trying to figure out their identity, it just came to them: Lezboï.
On the spot, adding oï to lezbo was just for fun, but we quickly realised that lezboï referred to Lezbo ( lesbian/dykes/queer) / Oï ( punk and skinhead) / Boï ( boi refers to people assigned female at birth who do not or partially identify as women and/or identify as gender-queer/cis/non-binary/trans/gender fuck). Some also identify as Womboï.
A few months later, realising that certain of our friends where on several dating applications and lesbian or queer events, we decided to meet up and go out together. That brought us to create the Facebook group Kaos Lezboï Nights, to bring together punk lezboïs to get out of the mainstream and bring lesbian and queer issues in the punk scene.
It is really important for us to bring foward that lezboï is not only made of white lesbian cisgender femmes. In fact, from the beginning we are non-binary, bi-sexuals, pansexuals, gender queers, trans women, trans men and lesbians, including several POC (people of colour), and brings forth several intersectionnal struggles.
It is also important to specify (because yes we were challenged about it) that our identities did not came out of universitarian books (anyways the majority of us are not at university). The affirmation of our identities came out from diverse personnal and collective processes because we all live different experiences of the binary hetero-patriarchal colonialist capitalist system and our strategies to face its oppressions are political and real.
Lezboï expresses the desire to come together and create a political space which is feminist/queer/radical lesbian in the goal of destroying the heteropatriarchy as well as heteronormativity. It is about redefining and opening sexual expression and orientations far from heterosexual dynamics as well as appreciating all bodies and everyone’s experiences. This space of solidarity and exchanges aims to create a resistance culture that takes in consideration our realities.
French version:
Tout a commencer avec deux skingirl antifa qui faisaient des tags antifa et feministes sur un banc de parc dans hochelag. Toutes deux questionnant leurs sexualités et tentant de définir leur identitié, l’appellation Lezboï est apparue spontanément.
Sur le coup, ajouter “oï” à lezbo c’était juste pour rire, mais on a vite réalisé que lezboï faisait allusion aux identitiés lezbo (lesbienne) / Oï (punk et skinhead) / Boï (boi qui fait référence à des personnes assignées femmes à la naissance qui s’identifient partiellement ou pas à l’identité femme et/ou qui s’identifient en tant que genderqueer/non-binary/cis/trans/genderfuck). Certain-e-s s’identifient aussi comme Womboï.
Quelques mois plus tard, nous avons réalisé que nous n’étions pas seules dans notre groupe à aller sur des applications et des events lesbiens et queer, alors nous avons décidé de nous rassembler pour sortir en groupe. C’est ce qui nous a amené-e-s à créer le groupe Kaos Lezboï Nights, pour réseauter des lezboï punks pour se créer à la fois un espace punk dans la scène lesbienne et queer, mais aussi une présence queer et lesbienne dans la scène punk.
Il est très important pour nous de souligner que lezboï n’est pas seulement formé de femmes blanches lesbiennes cisgenres. En effet, depuis le début nous sommes des personnes non-binaires, bis, pansexuel-le-s, gender queer, des hommes trans, des femmes trans et des lesbiennes, incluant plusieurs POC (poeple of colour), ce qui nous met face à différents enjeux intersectionnels.
Finalement, il est aussi important de spécifier (car oui cela semble nécessaire pour certain-e-s) que notre identité ne provient pas de livres universitaires (anyways on est pas toutes à l’université). L’affirmation et la découverte de notre identité sont différents processus collectifs et personnels, car nous vivons tou-te-s différents rapports au système binaire, hétéro-patriarchal, colonialiste, capitaliste, pi toute, pi toute. Ainsi, nos stratégies face à ses oppressions sont politiques et vraies.
Lezboi exprime un désir de se rassembler et créer un espace politique féministe/queer/lesbien radical dans le but de détruire l’hétéropatriarcat, l’hétéronormativité. Il s’agit donc de redéfinir et élargir l’expression de la sexualité et des orientations loin des rapports hétérosexuels tout en valorisant les corps et les expériences de tous.tes. Ce lieu d’échange et de solidarité vise à créer une culture de résistance qui nous ressemble.

WHAT DA FUCK Lezboï

NOUS NE SOMMES PAS BRISÉ.ES

Aujourd’hui je pense aux personnes qui se sont battues pour leurs droits au tout début de la lutte de laquelle elles faisaient partie. Je suis en admiration devant les premières femmes qui ont refusé de respecter la place qu’on leur réservait dans la société, et qui ont marché à contre-courant au risque de leur vie. Je pense aux personnes qui ont choisi de vivre en danger pour ne pas sacrifier leurs relations amoureuses, alors interdites car non-hétéro ou n’étant pas mono amoureuses. Je pense aux personnes qui ont été les premières à ne pas accepter la binarité des genres, et qui, sans les termes pour l’expliquer, ont affirmé n’être ni homme ni femme. Je pense aux premiers groupes formés en non-mixité, afin de pouvoir s’offrir un peu de pouvoir; organisations qui ont parfois couté la vie de leurs membres. Je pense aux personnes Two Spirits qui se sont battues contre les colons blancs qui les ont visés rapidement dans leur génocide sur Turtle Island, et qui résistent encore aujourd’hui pour la reconnaissance de leur identité. Je pense aux personnes bisexuelles+ qui auraient pu ignorer la part de leur orientation qui n’était pas accepté, mais qui ont décidé de rester authentiques. Je pense aux premières personnes qui ont refusé de se faire dire qu’elles étaient brisées, et qui ont amené le terme asexuel.le pour se définir et se rassembler. Nous n’étions pas brisé.e.s, nous ne le serons jamais. Je n’ai pas le droit d’être brisé.e. Bien que je le ressente souvent, bien qu’il m’arrive de le dire, je me dois d’être fort.e. Parce qu’avant de pouvoir se dire qu’être homosexuel.le, ce n’est pas si pire*, des gens ont vécu l’enfer pour l‘avoir été. Et je veux qu’un jour, on puisse se dire «ce n’est pas si mal d’être non-binaire. Les gens n’ont plus les préjugés d’antan».
Je ne peux pas être brisé.e, parce que je me laisserais m’émietter. Lorsque j’étais seul.e, j’aimais à le croire, car je pouvais me laisser tomber sans soucis. Mais aujourd’hui qu’on m’aime, je me dois d’être entier.e. Je n’ai pas le droit de me laisser tomber.
-NBKid
*Bien que ce soit la réalité de certaines personnes homosexuelles, souvent blanches et hommes, je ne minimise pas que c’est une situation qui peut rester difficile dépendamment du milieu des individus.

NOUS NE SOMMES PAS BRISÉ.ES

CONSTRUIRE ET DÉCONSTRUIRE SON HÉTÉROSEXUALITÉ

Depuis que je suis au primaire, je sais que je ne suis pas hétéro. À 9 ans, j’avais une copine, mais nous vivions notre relation amoureuse en secret, tout en nous disant l’une à l’autre que nous «aimerions devenir un garçon, pour pouvoir sortir ensemble pour de vrai». Je n’ai pas grandi dans une famille homophobe, elle non plus. Mais tout ce qui nous était envoyé comme message de la part de la société, c’était «un gars et une fille». D’ailleurs, il ne fallait pas sortir de cette binarité, mais je crois que si j’avais su qu’il y avait d’autres identités de genre, j’aurais su dès lors que je n’étais pas binaire*. Au secondaire, je n’ai pas eu de relation amoureuse pendant très longtemps. J’étais probablement un peu en amour avec mx meilleur.e ami.e, et peut-être qu’il le faut pour être aussi proche émotionnellement que nous l’avons été, et que nous le restons. À la toute fin de ces 5 années à me faire passer pour une femme cis et hétéro, je me suis fait un copain, sous ce personnage. Rien d’extraordinaire, rien de passionnant et rien qui ne valent la peine d’être raconté. Seulement un pas de plus dans le conformisme qu’on me demandait. C’est aussi cette personne qui m’a fait vivre de façon concrète la violence que le patriarcat encourage de la part des hommes envers leur partenaire. Les menaces, les violences physiques, la torture psychologique, l’omission du consentement, pour en rester aux grandes lignes. En quelques mois j’ai vécu ce qui m’aura traumatisé pour des années, avant même d’atteindre la majorité. Suite à notre séparation, je n’ai pas remis en question l’hétérosexualité que je m’étais construit.e pour survivre dans un monde hétérosexiste. J’ai essayé de me reconstruire une confiance en m’assurant que j’étais une personne désirable, aimable parfois. S’en suivi l’époque de l’intoxication et des relations toxiques (et exclusivement avec des hommes cisgenres**). J’ai fini par oublié que je méritais du respect. Après un moment, j’ai recommencé à dater des femmes en réalisant que c’était plus facile à vivre en ville qu’à la campagne d’où je viens. Ça m’a ouvert les yeux sur le genre de relation qui m’amenait du bien-être. Que ce soit avec des femmes ou des hommes homosexuels***, je vivais des relations qui sortais des normes de genres en relation hétéro. C’est à ce moment que je me suis rappelé que je n’étais pas hétéro. Que je ne l’avais jamais été d’ailleurs, et que je l’avais su dès le primaire. J’ai su, en ayant accès à une éducation féministe, que j’étais pansexuel.le. Un an plus tard, j’ai appris que certaines personnes avaient une identité de genre autre que «homme» ou «femme». J’ai probablement pleuré de joie pendant deux jours lorsque j’ai entendu le terme «agenre». C’était moi. Ça avait toujours été moi, mais je n’avais jamais eu le terme qu’il fallait pour expliquer que j’étais trans. À partir de ces nouvelles bases, j’ai pu me construire une identité qui me représentait réellement, et commencer à vivre mes relations sur des bases de sincérité. J’ai aussi pu refuser les relations amoureuses et sexuelles qui se forment dans des logiques de domination masculine. Et peu importe qu’on puisse me haïr pour cela, rien ne vaut l’amour que je peux maintenant me porter, et celui que je reçois de mes allié.e.s queer!

NBKid

*identité de genre qui n’entre pas dans la binarité « homme ou femme»

**Cisgenre est le terme utilisé pour parer des personnes s’identifiant au genre qu’on leur a assigné à la naissance.

***Je n’inclu.e pas les personnes non-binaires parce je n’en ai fréquenté aucune à cette époque. Par contre j’avais des relations avec des hommes homosexuels, bien que je ne sois pas un homme. Ils se le sont expliqué lorsque j’ai fait mon coming out trans

CONSTRUIRE ET DÉCONSTRUIRE SON HÉTÉROSEXUALITÉ

TRAIN OF TOUGHT DURING STREET HARRASMENT

tw: violence

The space where I live feels like a long empty corridor it is cold and poorly lit the air is thin there is the sound of water dripping I think about the leak and I know soon it will all change it won’t be like this everything will be soaking and heavy I think about my body my body my body is on the walls it’s the floral wallpaper and when the flood will come its shreds will be hanging like perfect roses and tulips and lilies just ripe to pick to fondle for others cuz my body will always be theirs to look at to interpret oh so your pronoun is they oh so I become They no not Her please don’t Her me it’s simple so simple just like when will I be more than gender will I shake this cold wet Her and when you bump violently into me on the street accidentally on purpose I think about all the trans women of color being murdered and harassed the girls being beaten the gay teens in high school and no I’m not them I’m lucky privileged white and non-binary and immigrant and I should stand up say something but in that moment there is no movement no hope no me there is only hate there is only vengeance being six feet tall twisting off your balls and spitting in your eye cuz if you do this to me you would do it to them and all of us you are of those that kill me you are not like me no simple songs no same humanity adam and eve there is no hope only a dark corridor I retreat to as I cry on my way home after you pass me by.

And I wait I do as I’m told cuz there’s too much to break through trauma fear self-loathing powerlessness too deeply ingrained but I know.

I know I can mould this body into something else something more than silence. I know my self calls for the thunder the wild. I am not a boy not a girl I am a force of nature.

-A

TRAIN OF TOUGHT DURING STREET HARRASMENT

COMMENT NOTRE SEXUALITÉ EST CONDITIONNÉE.

Ça m’a pris 25 ans avant de m’avouer que j’étais attirée par les femmes. Je l’étais avant, j’ai eu des expériences sexuelles avec une femme avant un homme. Certaines femmes me faisaient un effet fou et je rêvais de les embrasser. Mais comme j’étais aussi attirée par des hommes, je suis tombée dans cette hétérosexualité par défaut. Parce qu’avant même d’atteindre la puberté, on m’enseignait que plus tard, j’aurais un chum pis des enfants. Ça a toujours été plus facile de coucher et de sortir avec des hommes, étant entourée de beaucoup d’hétéros. C’était beaucoup plus difficile de m’avouer et d’avouer à des femmes que j’avais envie d’elles, car j’assumais qu’elles étaient hétéro, et que je devais l’être aussi.

Cette hétérosexualité assignée a aussi eu des répercussions dans mes relations sexuelles. Pendant des années, j’ai laissé des hommes mieux connaître mon corps que je ne le connaissais moi-même. La masturbation était tabou, et la sexualité à deux se limitait trop souvent au pattern ennuyeux préliminaires/pénétration. Ça prend deux secondes pour comprendre le concept de reproduction, mais ça prend souvent une vie pour apprivoiser sa sexualité.

F.

COMMENT NOTRE SEXUALITÉ EST CONDITIONNÉE.