CONSTRUIRE ET DÉCONSTRUIRE SON HÉTÉROSEXUALITÉ

Depuis que je suis au primaire, je sais que je ne suis pas hétéro. À 9 ans, j’avais une copine, mais nous vivions notre relation amoureuse en secret, tout en nous disant l’une à l’autre que nous «aimerions devenir un garçon, pour pouvoir sortir ensemble pour de vrai». Je n’ai pas grandi dans une famille homophobe, elle non plus. Mais tout ce qui nous était envoyé comme message de la part de la société, c’était «un gars et une fille». D’ailleurs, il ne fallait pas sortir de cette binarité, mais je crois que si j’avais su qu’il y avait d’autres identités de genre, j’aurais su dès lors que je n’étais pas binaire*. Au secondaire, je n’ai pas eu de relation amoureuse pendant très longtemps. J’étais probablement un peu en amour avec mx meilleur.e ami.e, et peut-être qu’il le faut pour être aussi proche émotionnellement que nous l’avons été, et que nous le restons. À la toute fin de ces 5 années à me faire passer pour une femme cis et hétéro, je me suis fait un copain, sous ce personnage. Rien d’extraordinaire, rien de passionnant et rien qui ne valent la peine d’être raconté. Seulement un pas de plus dans le conformisme qu’on me demandait. C’est aussi cette personne qui m’a fait vivre de façon concrète la violence que le patriarcat encourage de la part des hommes envers leur partenaire. Les menaces, les violences physiques, la torture psychologique, l’omission du consentement, pour en rester aux grandes lignes. En quelques mois j’ai vécu ce qui m’aura traumatisé pour des années, avant même d’atteindre la majorité. Suite à notre séparation, je n’ai pas remis en question l’hétérosexualité que je m’étais construit.e pour survivre dans un monde hétérosexiste. J’ai essayé de me reconstruire une confiance en m’assurant que j’étais une personne désirable, aimable parfois. S’en suivi l’époque de l’intoxication et des relations toxiques (et exclusivement avec des hommes cisgenres**). J’ai fini par oublié que je méritais du respect. Après un moment, j’ai recommencé à dater des femmes en réalisant que c’était plus facile à vivre en ville qu’à la campagne d’où je viens. Ça m’a ouvert les yeux sur le genre de relation qui m’amenait du bien-être. Que ce soit avec des femmes ou des hommes homosexuels***, je vivais des relations qui sortais des normes de genres en relation hétéro. C’est à ce moment que je me suis rappelé que je n’étais pas hétéro. Que je ne l’avais jamais été d’ailleurs, et que je l’avais su dès le primaire. J’ai su, en ayant accès à une éducation féministe, que j’étais pansexuel.le. Un an plus tard, j’ai appris que certaines personnes avaient une identité de genre autre que «homme» ou «femme». J’ai probablement pleuré de joie pendant deux jours lorsque j’ai entendu le terme «agenre». C’était moi. Ça avait toujours été moi, mais je n’avais jamais eu le terme qu’il fallait pour expliquer que j’étais trans. À partir de ces nouvelles bases, j’ai pu me construire une identité qui me représentait réellement, et commencer à vivre mes relations sur des bases de sincérité. J’ai aussi pu refuser les relations amoureuses et sexuelles qui se forment dans des logiques de domination masculine. Et peu importe qu’on puisse me haïr pour cela, rien ne vaut l’amour que je peux maintenant me porter, et celui que je reçois de mes allié.e.s queer!

NBKid

*identité de genre qui n’entre pas dans la binarité « homme ou femme»

**Cisgenre est le terme utilisé pour parer des personnes s’identifiant au genre qu’on leur a assigné à la naissance.

***Je n’inclu.e pas les personnes non-binaires parce je n’en ai fréquenté aucune à cette époque. Par contre j’avais des relations avec des hommes homosexuels, bien que je ne sois pas un homme. Ils se le sont expliqué lorsque j’ai fait mon coming out trans

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